Y a-t-il une économie du street art ?
Des économistes du monde entier travaillent à établir les liens entre l’activité culturelle des villes et leur économie. Ils mettent en place les indicateurs permettant de mesurer l’impact economique de l’art urbain dans les villes.
A ce jour, les études tendent à montrer que les villes qui ont le plus de graffitis et de fresques murales ont vocation à devenir des centres culturels et artistiques. L’art urbain, en parallèle des autres actions d’art et de culture, contribue à la gentrification de ces lieux. Il améliore significativement l’attrait de certains quartiers autrefois délaissés.
L’exemple de New York
C’est de plus en plus souvent par l’art urbain que les anciennes friches industrielles regagnent de l’intérêt, de la valeur, et du trafic. Ce processus de revitalisation des espaces abandonnés a débuté dans les années 70 dans le quartier du Lower East Side de New York : les anciens entrepôts et lofts ont été investis par des artistes, des galeries et des studios. Cela a marqué le renouveau de ces zones longtemps considérées comme des verrues urbaines après leur déclin.
Cet exemple a été une révélation. Les villes du monde entier ont toutes subi leur désindustrialisation interne. De fait, toutes ces agglomérations sont parsemées de friches industrielles, de zones de stockage ou de ports à l’abandon.
Les couts de remise en état sont très élevés. En conséquence, il y a peu de candidats, privés ou publics, ayant des projets et les moyens de les réaliser.
L’art est une alternative économique
La transformation de ces tiers-lieux par l’art représente une alternative économique de bon rapport. Ces vastes lieux sont en effet une aubaine tant pour les artistes que pour les commerces et associations qui travaillent de concert à leur aménagement. Les municipalités voient d’un bon œil l’usage de tout ou partie de ces lieux délaissés. Sous réserve de leur mise en sécurité pour l’accueil du public, préalable obligatoire.
Par ailleurs, Les investissements sont moins élevés que dans le cadre d’une remise en état ou d’un démontage du site.
Enfin, les bénéfices à terme sont multiples : création d’une économie locale, développement d’espaces culturels, amélioration de l’image du quartier et de la ville, engagement associatif et bien-être des citoyens.
L’art urbain participe de l’économie créative
La transformation artistique des tiers-lieux a ouvert la voie à une nouvelle “économie créative”. Celle-ci repose à la fois sur la production réelle de l’art et sur sa consommation par le public sensible à ce style de vie artistique.
Cette économie est construite sur l’équilibre de ces deux paramètres. Elle a été largement reprise par un grand nombre de gouvernements au début des années 2000. Ils ont pour objectif de créer un environnement aussi attrayant que possible pour la classe créative, et dégager en retour une économie florissante.
De nombreuses villes comme Miami, Valparaiso ou New York ont depuis démontrées le succès de ces démarches. Depuis, de nombreux projets de rénovation et de transformation des anciennes zones industrielles sont en cours dans toutes les grandes villes du monde.
L’attractivité des villes
Pour autant, il est difficile à ce stade de parler d’un impact du street art sur l’attractivité globale d’une ville. Néanmoins, on commence à voir émerger des villes fortement imprégnées de cet art, tels que Melbourne, Berlin, São Paulo ou Montréal.
Les prises de position artistiques de ces villes témoignent en tout cas de leur volonté d’image et de séduction. Elles doivent continuer à attirer des urbains de plus en plus mobiles, et soucieux de leur qualité de vie en ville. L’art urbain est sans aucun doute un des éléments contributeurs de cette attractivité par l’embellissement des murs.
Quand les municipalités et les street artistes discutent autour de la même table
Un nombre croissant de mairies et de municipalités travaillent en partenariat avec les artistes, les associations et les collectivités locales pour favoriser les projets les plus importants de réhabilitation.
Loin d’être aisée, la démarche témoigne néanmoins d’une prise de conscience plus forte des municipalités. Elles entrevoient le rôle économique et le retour sur investissement de cet art. Ce n’est cependant pas facile de mettre autour de la table des acteurs qui pendant longtemps voire encore maintenant se rejettent, se comprennent peu, et parfois se font la guerre.
Ainsi, certaines des œuvres les plus prisées ont été effacées par des équipes de nettoyage des villes, en même temps que des projets de fresques sont discutés avec les mêmes municipalités !
Les collectionneurs, les salles de ventes et les galeries
L’art urbain intéresse de plus en plus les collectionneurs. En quelques années, il est devenu un acteur incontournable de l’art contemporain.
Selon les rapports de sites spécialisés tels que ArtPrice, l’art de rue est l’une des “sous-sections les plus dynamiques du marché de l’art contemporain”.
De fait, les collectionneurs sont sensibles à cet art énergique, marquant et inventif. D’autant que sa notoriété est véhiculée par les réseaux sociaux de manière croissante, le rendant plus visible. En conséquence, les prix s’envolent dans les ventes aux enchères. Depuis 2006, des œuvres de Murakami, Banksy, Mr Brainwash, Kaws, Invader, Retna ou Os Gemeos ont progressé de plusieurs dizaines de milliers de dollars à plusieurs millions de dollars.
Dans la foulée des salles des ventes, les galeries emboitent le pas du street art. Leur nombre explosent aux quatre coins du globe, participant également de l’essor de cet art.
Les artistes, pourvoyeurs de l’art urbain
Les artistes eux-mêmes contribuent à cet essor, Banksy en tête, par la réalisation de pièces reconnaissables, fortes, imposantes et populaires. Ils utilisent les réseaux sociaux comme vecteurs d’image, en particulier Instagram qui est très adapté à leurs publications.
Le public répond présent
L’engouement du public est également croissant, signe que ce mouvement est durable, accepté et apprécié.
Au fil du temps s’est construit une économie forte autour de l’art urbain. Elle est portée par une visibilité croissante dans et hors des rues, une adhésion des citadins et un renfort de cohésion dans la communauté. L’impact économique de l’art urbain est confirmé, et il ne fait que croitre.